top of page

SAINT EUTROPE, EVEQUE DE SAINTES

 

      Saint EUTROPE, que les Saintongeais reconnaissent pour leur apôtre et leur premier évêque, était un ces bienheureux dont parle Notre Seigneur, qui ont eu l’honneur de le voir sur terre et de converser avec Lui : ce que tant de rois et de prophètes ont désiré si ardemment et qu’ils n’avaient pas obtenu. C’est ainsi que le porte la tradition des églises, au récit de BARONIUS. Elle nous apprend encore qu’il passa de Grèce à Rome sous Saint CLEMENT ; ce pape, voyant les talents que Dieu lui avait donné pour la prédication, l’ordonna évêque et l’envoya en Saintonge, province de France, pour y porter la lumière de l’évangile. Il y prêcha d’abord avec beaucoup de zèle, mais il avait affaire à une terre ingrate, à un peuple difficile à gagner. Après avoir souffert des persécutions et des tourments très cruels, il s’en retourna à Rome trouver celui qui l’avait envoyé. Néanmoins le pape, poussé par un zèle apostolique en faveur de la France, exhorta EUTROPE à reprendre courage et à se joindre aux autres missionnaires qui accompagnaient le bienheureux DENIS l’Aéropagite, qu’il envoya en qualité d’Apôtre dans les Gaules.

EUTROPE suivit donc l’Aéropagite jusqu’à la ville d’Arles, en Provence, et de là, il passa une seconde fois en Guyenne et retourna à Saintes qu’il avait auparavant abandonné. Ce voyage fut plus heureux que le premier, car il y travailla avec tant de succès par l’exemple de sa vie, par la grandeur de ses miracles et par la force de sa doctrine, que plusieurs, laissant le culte des idoles, embrassèrent le culte du vrai Dieu et reconnurent Jésus-Christ comme Sauveur du monde. Il baptisa entre autres Estelle, fille du gouverneur de la ville. Apprenant du saint évêque l’excellence de la virginité, elle consacra de bon cœur la sienne à l’époux des vierges dont elle venait de recevoir la foi. Son père en fut tellement irrité, qu’il envoya des soldats pour se saisir du Saint qu’il avait convertie.

Il fut pris dans une caverne où il se retirait en dehors de la ville, et de là, il fut d’abord brisé à coup de pierres. Ensuite, on le battit avec des cordes et des fouets plombés ; ensuite, il eut la tête fendue avec une cognée, ce qui arriva le 30 avril de l’an 98 de notre Seigneur selon BARONIUS. La vierge Estelle eut soin de son corps et lui donne la plus honorable sépulture qu’il fut possible selon le temps ; et pour récompense de cette bonne œuvre, elle reçut la glorieuse couronne des martyrs, par l’ordre de son père, environ trois semaines après la mort de Saint EUTROPE. 

Saint DENIS, apprenant la nouvelle, lui manda, à ce que quelques uns disent, à Saint Anaclet, qui était alors vicaire ou successeur de Saint Clément, dans une lettre où il en fait tout le détail. Il l’envoya ensuite en Grèce pour la consolation des chrétiens qu’il avait laissé. Mais quoique le malheur des temps et le trouble des persécutions ait fait perdre, il y a longtemps, cet écrit, la victoire de ce saint martyr ne s’est point effacée de la pensée des fidèles de Saintes, puisqu’au récit de Saint GREGOIRE de Tours, plusieurs années après ils lui bâtirent une très belle église, qui fut dédiée par Saint PALAIS, évêque de la même ville, assisté de deux abbés, vers la fin du VIè siècle ; et en reconnaissance de ce bienfait, et de ce qu’ils avaient fait mettre son corps dans un lieu plus décent qu’il n’avait été jusqu’alors, il apparût la nuit suivante à ces deux abbés, et leur dit que la cicatrice qu’ils avaient remarqué sur son crâne était l’endroit par où il avait consommé son martyre.

La tête de Saint EUTROPE, qui se gardait précieusement dans la cathédrale de Saintes, arrachée de son reliquaire en 1796, et exposée à la profanation, fut recueillie par un pieux habitant de la ville, qui l’a rendue depuis à l’église. Quant aux autres reliques du Saint, on les croyait depuis détruites par les calvinistes, lorsqu’on les a découvertes, le 19 mai 1843, et leur authenticité a été reconnue par Monseigneur VILLECOURT, alors évêque de la Rochelle. De plus un bras de Saint EUTROPE est conservé à Béziers.

Ce grand évêque a fait, de tous côtés et dans tous les siècles des prodiges fort signalés. Il a tiré miraculeusement de l’eau et du feu ceux qui devaient y être ou noyés ou consumés. Il a délivré du fond des cachots des captifs et des prisonniers que leurs ennemis y avaient enfermés. Il en a même transporté un, en un instant de Babylone à Saintes, avec la cage d’airain où les infidèles l’avaient enfermé. Il a guéri des malades, ressuscité des morts, chassé les démons des corps des possédés et opéré d’autres semblables merveilles, que l’on pourra voir dans un manuscrit des Pères Célestins de Paris, dont les continuateurs de BOLLANDUS ont donné la copie au public. L’on y remarquera aussi des châtiments terribles que la justice de Dieu a exercé contre plusieurs personnes qui ont eu la témérité de profaner la fête de cet illustre prédicateur de l’évangile. BARONIUS parle de lui dans ses annales, et

tous les martyrologues en font mémoire. Son envoi en France, par Saint CLEMENT, est attesté par tant d’auteurs, du nombre desquels saint GREGOIRE de Tours, quoiqu’il mette plus tard la mission de saint DENIS et de ses compagnons, que nous n’avons pas cru en devoir douter. On peut en voir aussi là-dessus la belle épître de MARCA au célèbre Henri de VALOIS, lequel se trouve au commencement de l’Histoire ecclésiastique d’EUSEBE, traduite par le même Henri de VALOIS.

 

bottom of page